La technologie au service de la finance

L’avenir de la fonction Finance réside-il dans les nouvelles technologies ?

Image credit: katarinauppropet.se

Abstract

Le secteur mondial de la banque, des services financiers et de l’assurance se trouve à une importante croisée des chemins, suite à la menace grandissante de rupture et de désintermédiation engendrée par des acteurs non traditionnels comme les FinTech. Une clientèle diversifiée avec des demandes en constante évolution, les risques croissants dû aux récents évènements (Covid, inflation, changement climatique,…), l’expansion du marché, la hausse des coûts et des réglementations de conformité toujours plus exigeantes sont des sujets de préoccupation importants. Pour répondre à ces sujets, les innovations rapides et les avancées technologiques ont fait de la technologie une pierre angulaire dans la différenciation concurrentielle et l’entretien d’une croissance profitable et durable, dans la réinvention de l’expérience client et la fourniture d’une efficacité opérationnelle supérieure. Ainsi pour répondre au mieux à ces changements, proposer de nouveaux produits, remporter de nouveaux clients, accompagner les nouveaux usages et mieux maîtriser les risques, les acteurs du monde de la finance placent la technologie au centre de leur identité et de leurs stratégies commerciales pour réussir leur transformation numérique.

Sommaire

1. Introduction

Le système financier remplit de nombreuses fonctions importantes comme la fourniture de systèmes de paiement, l’échange de bien et de services, les méthodes de partage des risques et l’allocation efficace des capitaux (Merton 1995). Au-delà de l’adaptation au nouvel environnement réglementaire et la transformation du modèle commercial vers une économie nette zéro carbone, l’autre défi majeur du système financier est le changement technologique. Les acteurs exerçants des fonctions financières ont historiquement adopté rapidement les nouvelles technologies, en particulier les technologies de l’information. Il n’est donc pas surprenant que le secteur financier soit l’un des plus bouleversés. Le quatrième rapport de la série Future of Banking (Duffie et al. 2022) contient deux messages généraux. Une première idée du rapport est qu’il est possible et souhaitable de développer un système de paiement moderne, interopérable et efficace basé sur les dépôts bancaires. Le développement d’une technologie de monnaie numérique de banque centrale (CBDC) devrait viser principalement à surmonter les défaillances du marché et ne devrait pas être précipité sans réflexion approfondie. Une deuxième idée est que l’utilisation croissante des données sur les consommateurs permet des gains d’efficacité, mais implique également des risques potentiels en termes de problèmes de confidentialité.

Alors que les technologies arrivent à maturité et que les comportements des clients se sont profondément modifiés, la rupture numérique semble aujourd’hui définitivement installée. Les nouvelles tendances de consommation dans les multiples franges de l’économie réelle se retrouvent désormais dans le secteur bancaire avec une rapidité et une profondeur inattendues.

L’essor d’Internet et de la technologie facilite presque tous les aspects de notre vie, y compris la façon dont nous gérons nos finances et la façon dont les institutions financières mènent leurs activités. La convergence des technologies doit pouvoir ouvrir la voie à la prochaine phase de transformation de la fonction finance et redynamiser la démarche de simplification que les directeurs financiers avaient entamée dans les années 90 avec la mise en œuvre du progiciel de gestion intégré (ERP). Dorénavant, l’IA est entrée dans une nouvelle ère grâce à la multiplication de jeux de données, à la recherche algorithmique et au décuplement des puissances de calcul. Les applications, tirant profit des masses de données désormais produites par l’économie, se multiplient et touchent à toute la chaîne de valeur de la finance.

Selon une enquête du cabinet d’audit EY1, de nombreux directeurs financiers estiment qu’ils ne sont pas équipés pour répondre aux exigences de demain. Pour relever les défis qui se présentent, ils doivent non seulement réévaluer leurs propres compétences mais se doter de bons outils. Quatre facteurs redéfinissent les contours du rôle du directeur financier :

  • Le numérique

  • Les données

  • Les risques et incertitudes

  • Le contrôle et la réglementation

Nous verrons alors en quoi l’avènement du Big Data, de l’IA et plus généralement du digital modifient l’ensemble de la chaîne de valeurs de la fonction finance, d’une meilleure maîtrise des risques et connaissance client, en passant par l’augmentation de la capacité décisionnelle jusqu’à l’accélération de la gestion et la simplification de mise en conformité.

2. La technologie Financière

2.1. Définition de la technologie financière

La technologie financière (mieux connue sous le nom de FinTech) est utilisée pour décrire une nouvelle technologie qui vise à améliorer et à automatiser la prestation et l’utilisation des services financiers. À la base, la FinTech est utilisée pour aider les entreprises, les dirigeants d’entreprise et les consommateurs à mieux gérer leurs opérations financières, leurs processus et leur vie en utilisant des logiciels et des algorithmes spécialisés qui sont utilisés sur les ordinateurs et maintenant, de plus en plus, sur les smartphones.

De manière générale, le terme “technologie financière” peut s’appliquer à toute innovation dans la façon dont les gens font des affaires, de l’invention de la monnaie numérique à la comptabilité. Cependant, depuis la révolution de l’Internet mobile/smartphone, la technologie financière a connu une croissance explosive. La FinTech, qui se référait à l’origine à l’utilisation de la technologie informatique appliquée au back-office des banques ou des sociétés commerciales, décrit désormais une grande variété d’interventions technologiques dans les finances personnelles et commerciales. Rappelons-nous Le pari informatique publié en 1968 et écrit par Pierre Lhermitte, conseiller du président de la Société générale à partir de 1970, qui traite des «conséquences prévisibles du développement de l’automatisation dans la gestion des entreprises», en incluant la banque.

2.2. Origine de la FinTech

Lorsque la FinTech est apparue au 21e siècle, le terme a d’abord été appliqué à la technologie utilisée dans les systèmes back-end des institutions financières. ​Depuis lors, cependant, il y a eu une évolution vers des services plus orientés vers le consommateur. La FinTech comprend désormais différents secteurs et industries tels que la banque de détail, la collecte de fonds, les organisations à but non lucratif et la gestion des investissements, pour n’en nommer que quelques-uns. La FinTech comprend également le développement et l’utilisation de monnaies numériques, telles que le Bitcoin. Bien que ce segment de la FinTech fasse peut-être la une des journaux, le gros de l’argent réside toujours dans le secteur bancaire mondial traditionnel et sa capitalisation boursière de plusieurs billions de dollars. Au début, les banques ont considéré l’essor des FinTech comme une menace. Mais aujourd’hui, elles sont passées d’une relation de concurrence à une relation de collaboration, où les banques et les FinTechs se complètent et partagent leurs compétences et savoir-faire. En conséquence, les banques fournissent à la FinTech une expertise financière, tandis que la FinTech fournit aux banques la technologie et la capacité d’innovation.

L’origine des innovations venaient du monde des programmeurs qui en développant des interfaces apportaient des solutions aux besoins émergents du monde dématérialisé qu’avait ouvert Internet. La FinTech, ce sont finalement ces start-up qui mettent la technologie au service de la finance.

2.3. Le paysage de la FinTech

Le mot FinTech, décrit désormais une grande variété d’interventions technologiques dans les finances personnelles et commerciales telles que les transferts d’argent, le dépôt d’un chèque depuis un smartphone, le contournement d’une agence bancaire pour demander un crédit, la collecte de fonds pour un démarrage d’entreprise ou la gestion des investissements, et ce généralement sans l’aide d’une personne physique. Entre des banques, lestées par l’hyper-réglementation et des réseaux physiques de plus en plus délaissés par les clients, de jeunes entreprises agiles et innovantes surfent sur la technologie et le digital pour bousculer l’ordre établi. Ces jeunes entreprises sont les FinTech.

Contrairement aux banques, les FinTechs proposent des services adaptés aux nouveaux comportements d’achat et aux nouveaux paradigmes sociaux de l’économie collaborative. Les grands établissements bancaires sont minés par une certaine rigidité liées à leurs structures démesurées de banque universelle ainsi qu’aux lourdeurs du cadre réglementaire contraignant, de Bâle 3. De plus, suite à la crise de 2008 et l’image négative du monde financier que celle-ci a engendré, le secteur connaît une certaine pression sociétale. De nos jours, la FinTech fait référence à l’intégration de la technologie dans les offres des sociétés de services financiers afin d’améliorer leur utilisation et leur livraison aux consommateurs. En ayant recours à des algorithmes d’apprentissage et des logiciels spécialisés, diverses entreprises aident les propriétaires d’entreprises, les sociétés et les consommateurs à gérer leurs processus et opérations financières du bout des doigts.

Au regard de ce qui a été évoqué, les FinTech semblent être des aiguillons utiles qui obligent les acteurs financiers traditionnels à redoubler de créativité, stimuler leur audace, relever leur niveau d’exigence et à accélérer leur remise en cause.

Source : Comité de Bâle – Enquête auprès de prestataires clés de services de fintech, par activité
Source : Comité de Bâle – Enquête auprès de prestataires clés de services de fintech, par activité

2.4. FinTech en pratique et ses horizons en expansion

Les FinTech s’appuient sur une bonne expertise du numérique mais surtout place le client au cœur de ses modèles en cherchant à répondre à ses nouveaux usages. L’éventail des offres est large mais aucune n’a pour objectif de couvrir l’ensemble des pans du secteur bancaire : au contraire, le positionnement se fait sur des secteurs d’activités ciblés, mal exploités, délaissés parfois, voire des niches, en tout cas dans des espaces stratégiques où les contraintes réglementaires sont limitées. La particularité de ces nouveaux entrants dans le secteur de la finance étant qu’ils ne s’embarrassent pas des aspects back office et réglementaires contraignants que seul un acteur avec une licence bancaire peut assumer. En revanche, ces derniers concentrent leur offre sur le front office, là où il y a le plus de valeur à tirer. En effet, la stratégie des FinTech est plutôt simple : elles identifient les besoins mal desservis et aspirent la valeur créée par les utilisateurs eux-mêmes ou bien cherchent de nouveaux marchés liés à de nouveaux usages pour rogner la marge des banques traditionnelles. On obtient alors un modèle économique redoutable grâce à une très faible structure de coûts certes une taille critique est nécessaire, mais ensuite, la rentabilité explose.

Par les principes collaboratifs qu’elles mettent en œuvre, par la flexibilité et l’innovation qu’elles démontrent, les FinTech remettent en cause les règles du modèle économique traditionnel du secteur financier.

Pour ce faire, les FinTech se positionnent entre le client et l’acteur financier sur des secteurs d’activités non couverts par les banques, en mettant l’expérience client au cœur du modèle tout en tirant profit des possibilités offertes par les technologies Big Data et l’intelligence artificielle pour créer de la valeur. En effet, Les FinTech utilisent des algorithmes pour mettre en relation acheteurs et vendeurs, développent des systèmes de tarification innovants et surtout monétisent la quantité massive de données récoltés auprès de leurs clients.

Les banques sont donc confrontées à des innovateurs qui, focalisés sur un maillon de la chaîne de valeur, créent de profondes ruptures dans les modes de relation bancaire (plateformes de crowdfunding, places de marché, paiements sur mobile, robot conseiller…). D’un côté, les acteurs bancaires historiques disposent des ressources et de l’expertise, humaines et technologiques, acquises au fil des années de services offerts à leurs clients. De l’autre côté, les FinTech révèlent quant à eux les nouveaux usages des clients en répondant précisément à leurs attentes en matière d’offres et d’interaction. Cet écosystème d’innovation, propice à l’émergence de nouvelles solutions, construit la transformation digitale de l’intermédiation bancaire. Témoin de ce mouvement, l’essor des RegTech à travers le monde illustre le phénomène de complémentarité entre ces deux acteurs. Ce sous-segment des FinTechs relatif aux « régulation technologies » témoigne des nouveaux services proposés par des start-ups aux banques, facilitant leur adaptation aux nouvelles contraintes réglementaires (KYC, ALM, etc.), grâce aux technologies et usages dont elles ont la clé.

Actuellement, la FinTech intervient dans huit directions : les moyens de paiement, le transfert d’argent, les échanges de devises, la gestion de budget, les crédits, le financement participatif, le conseil en gestion portefeuille y compris en termes d’assurances, la gestion du compte bancaire et la mise en conformité réglementaire. Un autre pan très populaire de nos jours existe, celui de la sécurisation des transferts et des monnaies virtuelles.

  1. Services bancaires - Les produits de base comprennent les comptes courants personnels, l’épargne et les prêts hypothécaires.

  2. RegTech - Se concentre sur les entreprises dotées de technologies et d’activités axées sur la rationalisation des risques, la notation du crédit et la conformité.

  3. InsurTech - Comprend les entreprises vendant des assurances par voie numérique ou introduisant de nouveaux modèles commerciaux numériques ou des logiciels de réassurance. Utilise la force de frappe du Big Data et les algorithmes d’apprentissage automatique en enrichissant les données actuarielles avec des données exogènes pour affiner les calculs de risques.

  4. Prêts - Entreprises axées sur le crédit innovant, y compris les prêteurs commerciaux, alternatifs et spécialisés et les plateformes qui facilitent le P2P.

  5. Services bancaires aux entreprises - Principalement axés sur le soutien aux PME avec des services plus efficaces et automatisés tels que la comptabilité, la paie, les factures et la gestion des dépenses.

  6. Paiements - Entreprises qui fournissent des services de transfert d’argent, de remise et de change.

  7. Agrégateurs de devis - Fournit des systèmes de comparaison en ligne pour les devis des consommateurs tels que les assurances et les hypothèques.

  8. WealthTech - La plus grande catégorie, se concentre sur les plateformes d’investissement et de gestion, les outils d’analyse des ventes et des échanges, la gestion des finances personnelles et les échanges cryptographiques.

Source : Comité de Bâle – Segments de services innovants
Source : Comité de Bâle – Segments de services innovants

En résumé, alors que les institutions de services financiers offraient une variété de services sous une même enseigne et qui étaient autrefois le domaine des succursales, les FinTechs décomposent ces services en offres individuelles. La combinaison d’offres rationalisées avec la technologie permet aux FinTechs d’être plus efficaces et de réduire les coûts associés à chaque transaction.

Attention toutefois, les banques traditionnelles bien ancrées dans le secteur de la finance ont prêté attention et ont investi massivement pour ressembler davantage aux entreprises qui cherchent à les perturber. Par exemple, la banque d’investissement Goldman Sachs a lancé la plateforme de prêt à la consommation Marcus en 2016 et a récemment étendu ses opérations au Royaume-Uni.

2.5. FinTech en pratique et ses horizons en expansion

  • Les robots advisors tels que Nalo ou Yomoni sont des applications ou des plateformes en ligne qui investissent automatiquement votre argent de manière optimale, souvent à peu de frais, et sont accessibles aux particuliers.

  • Les applications d'investissement comme Robinhood facilitent l'achat et la vente d'actions, d'ETF et de crypto depuis votre appareil mobile, souvent avec peu ou pas de commission.

  • Les applications de paiement telles que Paypal, Venmo, Block (Square), Zelle et CashApp facilitent le paiement des particuliers ou des entreprises en ligne et en un instant.

  • Les applications de finances personnelles telles que Mint, YNAB et Quicken, SimpliFi vous permettent de voir toutes vos finances en un seul endroit, de définir des budgets, de payer des factures, etc.

  • Les plateformes de prêt P2P comme Prosper, Lending Club et Upstart permettent aux particuliers et aux propriétaires de petites entreprises de recevoir des prêts d'un éventail de personnes qui leur accordent directement des microcrédits.

  • Les applications de cryptographie, y compris les applications de gestion de portefeuilles de crypto-monnaies telles que Binance et Coinbase, les échanges et les applications de paiement, vous permettent de détenir et d'effectuer des transactions dans des crypto-monnaies et des jetons numériques tels que Bitcoin et NFT.

  • InsurTech est l'application de la technologie spécifiquement au domaine de l'assurance. Un exemple serait l'utilisation d'appareils qui surveillent votre conduite afin d'ajuster les tarifs d'assurance automobile.

3. FinTech et nouvelles technologies

3.1. Axe 1: Améliorer l’efficacité opérationnelle

De nombreuses tâches financières sont effectuées manuellement. Certaines tâches peuvent s’avérer être contraignantes et fastidieuses voire même aliénantes. La technologie ajoute de l’automatisation et simplifie les tâches - nous permettant d’économiser du temps et du travail. Les consommateurs peuvent prendre une photo des chèques et les déposer sur leur compte, au lieu de se rendre dans un lieu physique et de les déposer manuellement dans une banque. Un autre exemple est le suivi et la catégorisation des dépenses. Personne ne veut saisir manuellement et classer les dépenses ligne par ligne, mais une machine peut très rapidement télécharger ou numériser des documents et des reçus. Ensuite, la technologie peut appliquer des règles et l’apprentissage automatique pour apprendre et s’améliorer en permanence.

Par ailleurs, les banques ont recours à l’utilisation de systèmes ERP pour la réalisation des tâches opérationnelles quotidiennes. Il s’avère que les systèmes ERP actuels constituent l’un des principaux freins à la réalisation de cette approche. Leurs capacités de vérification de la conformité, de contrôle interne et d’audit sont vendues comme des solutions distinctes, en dehors des systèmes centraux de comptabilité. Par conséquent, les auditeurs (internes ou externes) consacrent le plus clair de leur temps et de leurs ressources à passer d’un système à l’autre pour recueillir des informations et vérifier les processus appliqués à des événements qui ont déjà eu lieu.

Grâce à l’avènement de l’intelligence artificielle, il sera possible de résoudre ce problème afin de créer l’assistant intelligent de la fonction finance de demain qui :

  • Ne représente pas de frais généraux importants

  • Travaille beaucoup plus rapidement qu’un employé

  • Effectue de nombreuses tâches répétitives sans jamais commettre d’erreurs

  • Garde une piste d’audit parfaite

Par exemple, le rôle de l’auditeur financier, traditionnellement dévolus à l’évaluation du passé et au contrôle de la conformité, sont désormais en première ligne pour identifier et résoudre les problèmes au moment même où ils surviennent. Un rôle d’autant plus stratégique qu’il permet également de prévoir les risques futurs qui pourraient nuire aux performances de l’entreprise. En effet, en cas de ruptures radicales, l’agilité des fonctions d’audit est clé : elles peuvent fournir plus fréquemment des analyses de risques associés à ces changements brutaux et proposer ainsi des conseils sur les processus et les contrôles à mettre en place pour y faire face.

Or, pour adopter cette nouvelle approche de l’audit, cela requiert deux qualités essentielles : d’une part la capacité à obtenir et à analyser des informations rapidement et d’autre part, la souplesse permettant de modifier facilement les processus et la planification financière. Un véritable défi pour les auditeurs internes qui ne disposent pas d’un système financier conçu pour mettre à jour ces informations ou s’adapter aussi vite qu’il le faudrait. Les organisations doivent pouvoir anticiper les risques potentiels et leurs besoins en matière de conformité, et en tenir compte dans leurs plans stratégiques. C’est en s’équipant des bons outils technologiques qu’elles pourront faire la différence - elles aideront ainsi les auditeurs internes à gagner en efficacité dans le contrôle des pratiques métiers ; tout en leur donnant les moyens de coopérer plus étroitement avec les entreprises dans l’élaboration de leur stratégie.

En ce sens, la technologie RPA jouera un rôle important dans le secteur de la finance. De cette façon, il devient enfin possible de réduire drastiquement le temps de traitement humain, de réaliser des économies notables, d’accroître sa productivité, de prévenir les risques de fraude, de garantir la traçabilité des processus et de renforcer la qualité de sa relation fournisseurs. En adoptant la RPA, les organisations peuvent améliorer leurs performances de plusieurs manières en permettant aux directeurs financiers de :

  • Automatiser les processus financiers clés, de la génération de rapports issus de différentes sources de données aux paiements.

  • Cibler les inefficacités du système. Lorsque les organisations ne détiennent pas encore de système intégré unique, la RPA peut venir combler les écarts entre les différents systèmes d'ERP. Elle peut également servir d’interface entre un système d'ERP et les systèmes critiques qui ont été parallèlement mis en place.

  • Améliorer la qualité et la rapidité des processus financiers

Ces solutions d’automatisation ont donc un impact bénéfique sur la valeur humaine. Mieux, elles peuvent apparaître comme une source d’attractivité, que ce soit du point de vue des clients de l’entreprise, grâce à une image de marque améliorée, ou pour le recrutement de leurs futurs collaborateurs grâce à une meilleure valorisation des métiers. Par exemple, un collaborateur qui fait de la saisie de facture peut être amené à évoluer vers des missions d’analyse budgétaire, il est valorisé, tout comme l’image de l’entreprise

L’IA vient compléter des technologies telles que la RPA, en plus de suivre des règles prédéfinies, peuvent reconnaître des modèles, apprendre et s’adapter à de nouvelles situations. Elle peut notamment cibler les exceptions rencontrées par les approches d’automatisation fondées sur des règles. Les systèmes d’IA pourraient être entraînés à tenir compte des réglementations fiscales de leur entreprise, mais aussi à absorber les nouvelles réglementations au fur et à mesure de leur mise en ligne, à informer de manière dynamique les personnes concernées des évolutions et répondre aux questions qu’elles pourraient avoir sur leur nature et leurs implications.

A tout cela s’ajoute, les modèles cloud qui permettent de rationaliser et d’automatiser les processus métier ainsi que les activités transactionnelles qui empêchaient les équipes financières de se concentrer sur la stratégie. Les systèmes financiers exploitant la technologie in-memory permettent également à la finance de réaliser des transactions, d’analyser et de faire des reportings sur les données en direct, permettant des consolidations en temps réel et diminuant radicalement le processus de clôture financière.

Finalement, on s’aperçoit que la technologie permet l’automatisation et évite les erreurs humaines, ce qui réduit les coûts et améliore l’efficacité pour permettre aux équipes de se concentrer sur d’autres priorités clés. Les applications bancaires mobiles en sont un bon exemple. Elles permettent aux clients de consulter leurs données financières lors de leurs déplacements, éliminent le besoin de se rendre dans un magasin physique et libèrent le personnel pour se concentrer sur les autres besoins et priorités des clients. Ainsi, pour répondre à l’exigence d’immédiateté, le Big Data et le machine learning peuvent permettre d’automatiser certains contrôles et donc de limiter les interventions manuelles, ce qui réduit de facto les temps de traitement.

3.2. Axe 2: Offrir une meilleure expérience client

En acceptant de fournir de la donnée, les clients deviendraient les principaux fournisseurs de leurs propres banques et cela permettrait d’enclencher de nouveaux modèles économiques. La plupart des responsables des services financiers estiment que l’amélioration de l’expérience client est le principal moteur de la numérisation dans le secteur bancaire. Ainsi, les institutions telles que les banques peuvent améliorer la compréhension des besoins d’un client et prendre des décisions de fidélisation plus affirmées. En effet, l’avènement de l’analyse intelligente permet aux sociétés de services financiers d’exploiter la richesse des données sur les consommateurs pour mieux répondre aux exigences des clients. Dorénavant, les besoins des clients évoluant chaque seconde, le passage aux services en ligne, via une expérience omnicanal, devient la norme. Sans la technologie de pointe, aucun de ces services en ligne n’aurait été possible.

A cela s’ajoute que les millennials et la génération Z ont des attentes très différentes vis-à-vis des conseillers financiers en termes de prestations de services et d’expérience client – généralement caractérisées par un besoin d’interactions plus dynamiques, plus personnelles, et plus digitales. Gilles Babinet, alors président du premier Conseil national du numérique, présente bien, dans son livre L’Ère numérique, un nouvel âge de l’humanité, l’évolution incroyable que sont en train de subir tous les secteurs de notre vie. En outre, leur habitude des services personnalisés à l’extrême fournis par les pure-players nés avec le web tel que Amazon ou Netflix place la barre haut en matière de traitement sur-mesure des demandes et des besoins grâce à leur habileté à capter la valeur créée par les clients eux-mêmes. Les services financiers doivent donc prendre en compte ces nouveaux niveaux d’attente et adapter leurs stratégies d’engagement et d’expérience client, afin de ne pas perdre du terrain face aux acteurs qui sont déjà rodés dans la mise en place de relation en tout digital.

Il s’ouvre ainsi une « nouvelle ère » du conseil financier, pour laquelle la fidélisation des clients existants et l’acquisition de nouveaux clients passent nécessairement par l’expérience digitale. La relation avec les clients doit être réactive et évolutive pour pouvoir s’adapter aux préoccupations des clients au fur et à mesure que les interactions se développent. La technologie a ici un rôle essentiel à jouer, et les outils technologiques d’accompagnement des conseillers financiers sont aujourd’hui suffisamment avancés pour permettre un engagement beaucoup plus précis et personnalisé avec les générations « digital natives ». Grâce au livre « Petite poucette » de Michel Serres paru en 2012, nous comprenons que le smartphone, quintessence de l’Internet mobile, contient toute la connaissance du monde dans la paume de la main de ses trois milliards d’utilisateurs dans le monde. Comme l’invention de l’écriture avait fait entrer l’humanité dans son Histoire, comme l’imprimerie avait ouvert la voie à l’ère industrielle et ses considérables transformations, l’Internet mobile ouvre la voie d’une nouvelle transition anthropologique de l’humanité.

Pus concrètement, la technologie permet ainsi aux conseillers financiers et gestionnaires de patrimoine de s’adapter rapidement à leurs clients et, surtout, de les atteindre là où ils se trouvent, sans avoir à se soucier des questions de formatage ou de conformité du contenu – deux aspects qui sont gérés par l’automatisation.

L’intelligence artificielle (IA) peut aller encore plus loin, en permettant un véritable engagement multicanal et des interactions sur mesure. L’IA fournit aux équipes les recommandations nécessaires pour engager les clients d’une manière qui se démarque de la concurrence, en fournissant un contenu interactif personnalisé et homogène sur plusieurs canaux. Tous ces éléments contribuent au renforcement des liens de confiance, puisque les clients voient leurs préférences reconnues et leurs conseillers s’adapter à leur situation particulière et ce même à distance.

La technologie permet ainsi d’offrir des services hyper-personnalisés, tout en garantissant leur pertinence et leur conformité réglementaire. Plus important encore, elle permet aux professionnels de la finance d’offrir l’expérience digitale que l’ensemble des générations attend aujourd’hui.

Nous l’avons bien compris, dorénavant, le client a le pouvoir. Ainsi, si l’acteur financier dispose d’une bonne connaissance de ses clients, s’il sait tirer profit du potentiel énorme offert par les outils big data et s’il développe un customer relationship management (CRM) pertinent, alors il pourra anticiper les besoins de chacun d’entre eux et les satisfaire en étant capable de rechercher avec le client la bonne combinaison de produits et de services. Le service prend d’ailleurs le pas sur le produit lui-même. Nous ne sommes plus dans une économie conduite par la mise en avant du produit, mais dans un monde où l’usage, le service, devient plus important que la détention du produit lui-même. Les applications sont plus importantes que le téléphone lui-même par exemple.

Mais encore, la connaissance client peut être améliorée en renforçant l’empowerment du client. De nos jours, des FinTech proposent des applications indépendantes qui fournissent un diagnostic des cartes bancaires de l’utilisateur en indiquant comment il est couvert et mettant en avant les points essentiels. Mais l’empowerment du client mène à celui du banquier : grâce aux outils d’analyse sémantique (Natural language Processing), le conseiller en sait plus sur son client. Il peut « prédire » certaines opportunités de business (chemins récurrents, alertes…) et proposer des offres plus « adaptées ». Une dimension clé de l’empowerment est la possibilité donnée aux clients de co-innover avec la banque sur de nouveaux produits et de nouveaux services.

Pour aller encore plus loin, dans le domaine du processus d’enrichissement de la connaissance client, un enjeu possible serait d’associer finance comportementale, intelligence artificielle, digitalisation du KYC et enrichissement des modèles d’analyses d’appétence aux risques avec les données publiques du client. Cette fusion permettrait de parvenir à une connaissance en profondeur du profil du client, au-delà du scoring périodique de ce dernier.

Il faut bien se rendre à l’évidence : les nouveaux outils numériques ont altéré deux paramètres, le facteur temps et le facteur distance. La relation entre le client et sa banque est devenue immédiate et l’achat de produits ou de services bancaires se fait maintenant à distance. Le client pousse de moins en moins la porte de son agence bancaire, sauf pour traiter de ses projets de vie significatifs. En d’autres termes, pour les opérations du quotidien, les utilisateurs préfèrent leur smartphone ou tablette. En revanche, pour les produits et services engageants, ils préfèrent entretenir une relation physique de confiance avec un conseiller. Il a toujours fallu aux banques l’appui du conseiller pour fidéliser ses clients en leur apportant du conseil. Le besoin du contact humain, mais aussi la sécurité et la confiance, restent donc fondamentaux. En effet, la banque n’est pas un métier de production de produits ; elle est un métier de relations humaines, fondé sur la capacité à proposer le bon conseil et le bon service, au bon moment, quel que soit le canal proposé. Elle traite des projets de vie et d’entreprise – du temps long – et ce traitement implique une relation personnalisée et durable avec un conseiller physique bancaire pertinent. Par ailleurs, aux côtés du conseiller lors de ses entretiens clients, des assistants virtuels (chatbots, agents conversationnels, robo-advisors) suggèrent en temps réel et au fil des échanges des choix d’investissement personnalisés en fonction de la situation et des projets de chacun. En «augmentant » le conseiller ainsi débarrassé des tâches à faible valeur ajoutée, l’IA lui permettra de se concentrer pleinement sur l’écoute client et l’interaction avec l’humain.

Finalement pour mieux répondre aux exigences de qualité du conseil demandé par les clients, il est nécessaire pour les banques de s’engager dans une profonde mutation du renforcement de la relation avec leurs clients grâce à l’alliance de la banque « humaine » et des outils digitaux. C’est-à-dire s’équiper des interfaces digitales qui leur permettent de dématérialiser largement la relation avec leurs clients et multiplier le nombre d’interactions entre elle et son client tout en réservant la relation humaine aux sujets plus complexes.

3.3. Axe 3: Développer et augmenter la capacité décisionnelle en avenir incertain

À l’avenir, opérer dans un climat incertain fera partie du quotidien. Compte tenu de l’appauvrissement des ressources naturelles, de la fréquence et de la violence croissantes des événements climatiques ainsi que de la sophistication des cyberattaques, les défis auxquels font face les organisations multinationales, vont gagner en complexité.

Afin de se préparer au monde de demain, les fonctions financières vont devoir traiter et interpréter de larges volumes de données, mais aussi les intégrer dans de nouveaux modèles opérationnels. Par exemple en centralisant les données structurées et non structurées (images, vidéo, texte issus des réseaux sociaux) pour analyser une grande quantité de données et réaliser des prédictions plus fines, telles que le comportement d’un actif dans un bilan, ou bien encore identifier les activités et tendances malveillantes et atténuer les risques relatifs à la fraude. Bien que les données historiques aient du sens dans des domaines tels que la fiscalité, leur valeur en dehors de ce périmètre est très faible, la valeur ajoutée se trouve dans les données exogènes en temps réel portant sur l’évolution des activités de l’entreprise. En effet, selon Simon Kelly, ancien CFO et COO de l’entreprise de médias australienne Nine Entertainment Co déclare : « À l’avenir, les entreprises vont devoir investir dans des données en temps réel et apporter des éclairages aux entreprises afin qu’elles puissent tenir compte des changements de préférences des consommateurs sans attendre que les comptables rassemblent les données financières historiques. La partie transactionnelle historique de la finance repose davantage sur la marchandise que sur la concurrence ».

La capacité d’une organisation financière à prendre des décisions justes et rapides est un facteur clé de succès vers l’issue la plus favorable. L’incertitude est alors le cadre de cette prise de décision. Il est impossible d’y échapper. Elle renvoie au fait que les conséquences d’une décision ne sont pas connues à l’avance, ce qui expose le décideur à un risque. Cependant, le risque encouru peut être quantifiable quand la probabilité d’occurrence des différentes conséquences possibles est objectivement connue à l’avance.

Renforcer la capacité d’analyse et constituer de grandes banques de données unifiées pour transformer la gestion des risques et la compréhension des moteurs de valeur semble être le critère le plus régulièrement cité par les directeurs financiers comme une des priorités.

Le bon point est que dans les banques, les données sont omniprésentes et constituent la matière première pour de nombreuses activités : le trading des valeurs, la connaissance des clients, le reporting financier interne et externe, etc., pour ne citer que quelques exemples triviaux. De nombreux projets d’entrepôts de données ont vu le jour au fil des années, mais sous la pression de l’harmonisation européenne (BCE) et mondiale (International Accounting Standards Board – IASB –, Comité de Bâle), la déconnexion des différentes sources de génération de données est devenue d’abord un frein pour se transformer petit à petit en un levier de développement.

Toutefois, les banques font face à plusieurs problèmes. L’un d’entre eux se trouve dans les fonctions finance et risque où les difficultés sont de plusieurs natures : non-disponibilité des données à la même fréquence de création et provenant de sources disparates, circulation de données agrégées, définitions incohérentes d’un métier à un autre (par exemple, « client » ou « provision »), pistes d’audit non homogènes par direction, faible intégration des remontées de données pour certains reportings avec des parties de traitement manuel, incohérence des systèmes de production comptables avec les bases réglementaires, etc. A cela s’ajoute également le fait qu’il n’est pas simple d’être agile lorsque l’on doit interroger différents systèmes tiers pour la réalisation des reportings. En conséquence, il arrive que les reportings comptables, fiscaux et réglementaires ne produisent pas les mêmes chiffres.

Pour apporter des services à valeur ajoutée, les applications peuvent combiner des données personnelles du propriétaire du smartphone, des données de la banque et des sources Open Data. D’une manière générale, les données sont de deux natures : celles endogènes à l’entreprise, qu’elle génère et qui mesurent son activité, et celles exogènes, produites par des tiers et qui influent sur l’activité de l’entreprise.

L’enjeu pour les banques sera donc d’organiser la gestion des données par la mise en place du politique de gouvernance des données cohérentes et ainsi passer de la collecte à l’exploitation de données pour en extraire des informations génératrices d’opportunités commerciales. Cela permettra aux banques de se diriger vers une cohérence et une homogénéité du cycle de vie de la donnée et ce à tous les niveaux de traitement de l’entreprise. Aussi bien entre le service finance, le service risque et le service comptabilité de telle sorte que ces données soient facilement accessibles à tous et surtout exploitable pour en tirer des connaissances afin d’anticiper les besoins futurs notamment en matière de gestion des risques.

En ce sens, le ‘big data’ se révèle être une technologie parfaitement adaptée pour tout ce qui touche à l’analyse de données, surtout lorsqu’elle nécessite des volumes importants, des temps de réponse très rapides, ou des croisements entre des informations qui peuvent être structurées ou non. En effet, les outils Big Data tels que l’écosystème Hadoop avec ses briques logicielles de stockage (Hue et Hive) et de traitement distribué (MapReduce et Spark) en convergeant le traitement des données de l’entreprise en un point central facilitent l’accès aux données. C’est à partir de ce point central que la création de valeur pourra s’opérer en croisant les données de plusieurs sources pour ensuite après analyse en tirer des informations et enfin après interprétation en tirer des connaissances. Ce sont ces connaissances qui permettront aux banques de créer de nouvelles opportunités commerciales, trouver de nouveaux marchés et proposer des produits plus adaptés aux besoins des clients d’une entreprise.

De plus, de par sa nature, les processus financiers impliquent une analyse et un calcul de données complexes qui peuvent être fastidieux s’ils devaient être effectués manuellement. La technologie a été l’un des outils les plus utiles dans le secteur financier pour fournir des services efficaces. Presque toutes les institutions financières du monde entier ont déployé la technologie dans leurs opérations quotidiennes. Toutes les transactions financières impliquent la collecte de données, la saisie et la génération de rapports. Par exemple, les activités de marché, comme le pricing (fixation du prix d’un produit), le hedging (couverture du risque) et le calcul de Value-at-Risk (VaR) par agrégation de l’ensemble des desks, nécessitent à la fois une modélisation mathématique (modèles de Black-Scholes, de volatilité stochastique, etc.) et des calculs à très grande échelle, notamment pour la VaR. Elles pourraient bénéficier du couple apprentissage automatique et IA symbolique pour offrir une capacité d’aide en temps réel à la décision aux traders et aux experts du risque.

Dans tous les cas, on aperçoit facilement l’universalité des applications de l’IA : tous les métiers de la banque, de la finance et de l’assurance sont concernés. Que ce soit en front office face au client ou en back office dans la préparation des contrats, dans l’établissement de notes de synthèse ou encore de manière automatisée par le biais de robots conseiller dialoguant avec le client. Les technologies d’IA peuvent même être mises à profit pour fournir des aides à la décision, voire automatiser certaines décisions dans des contextes non critiques.

A mesure que les entreprises adoptent les technologies numériques, les flux de données augmentent : elles doivent donc s’assurer de pouvoir gérer ces volumes. Par conséquent, les outils Big Data couplés à l’IA fournissent une aide précieuse au décideur financier lorsqu’il s’agit de prendre des décisions importantes et complexes en fournissant des conseils ou des recommandations, puis sauvegarder ces recommandations selon sa capacité à collecter, traiter et interpréter d’importantes quantités de données structurées et non structurées. Des technologies telles que l’IA prédictive aident les utilisateurs et les experts financiers à prendre des décisions plus éclairées sur les flux de trésorerie et les prévisions.

Finalement, on s’aperçoit que les nouvelles technologies, telles que l’apprentissage automatique/intelligence artificielle (IA), l’analyse comportementale prédictive et le marketing axé sur les données, éliminent les approximations et les habitudes des décisions financières. Les applications d’apprentissage ne se contenteront pas d’apprendre les habitudes des utilisateurs, mais les feront participer à des jeux d’apprentissage pour améliorer leurs décisions automatiques en matière de dépenses et d’épargne. Les systèmes d’IA agissent alors en tant qu’assistant intelligent qui augmente les connaissances des experts financiers.

3.4. Axe 4: Faire face à de nouvelles formes de risques: cyber-attaque, fraude et risque financier

Les mégadonnées en finance font référence aux pétaoctets de données non structurées et structurées obtenues par les banques et autres institutions financières à partir de plateformes en ligne. Les banques utilisent ces données pour lutter plus efficacement contre les fraudes et améliorer la gestion des risques. En effet, les systèmes d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique sont utilisés dans les services financiers pour effectuer des tâches telles que l’évaluation des risques et la détection des fraudes. La technologie est également utile dans le secteur des services financiers en ce qui concerne le support basé sur l’IA, l’analyse prédictive et les expériences personnalisées.

En partant du principe que « mieux mesurer, c’est mieux décider», le World Forum Economic explique que l’incertitude diminue d’autant plus que les institutions savent mesurer. La valorisation devrait pouvoir être immédiate : plus j’ai d’octets de données dans mon entreprise, plus la valeur de celle-ci augmente ou, autrement dit, plus j’ai d’octets de données par collaborateur, plus je peux valoriser en actif ce patrimoine numérique et donc valoriser mon institution. Il est donc étonnant de voir que le bilan des sociétés reporte le coût de la donnée dans le passif (ressources informatiques de gestion) alors qu’elles devaient être valorisées dans l’actif de la société (la donnée). Ceci est un fait majeur : plus on mesure, mieux on peut décider et être plus à même de résister aux aléas du marché, plus on est pérenne et plus la valeur augmente.

L’objectif de la fraude dans les domaines de la banque et d’assurance est d’obtenir un avantage financier non consenti via l’utilisation de moyens visant à tromper l’une des parties. Elle est multiple : documentaire (faux papiers ou justificatifs), fiscale, fausse déclaration, usurpation d’identité, utilisation non consentie de moyens de paiement de tiers, fraude électronique… La lutte contre la fraude est une obligation réglementaire des banques et des compagnies d’assurance et fait supporter à ces établissements un coût important. La difficulté de la lutte contre la fraude est liée à différents facteurs :

  • Les fraudeurs développent sans cesse de nouvelles techniques pour contourner les protections

  • Les déclarations des fraudeurs ne sont pas toujours vérifiées et les justificatifs demandés peuvent être facilement falsifiés

  • La course à «de meilleures expériences utilisateur » amène les établissements à demander de moins en moins de pièces justificatives

  • Les clients ne sont pas toujours informés des risques potentiels et ne sont pas assez vigilants

Les systèmes de lutte contre la fraude sont majoritairement basés aujourd’hui sur des ensembles de règles complexes. Ils sont généralement complétés par une intervention humaine (reconnaissance d’un document lourdement falsifié, d’une incohérence dans les informations communiquées…) qui ne peut être aujourd’hui automatisée. En effet, les méthodes conventionnelles consistent à définir des règles de contrôle par des humains et les programmer ensuite sous forme d’algorithmes. Ces règles sont statiques. Elles ne permettent pas l’apprentissage à l’exception de nouvelles conditions ajoutées manuellement. L’IA vise alors à rompre cette logique de protocoles de contrôle définis a priori par des règles de métiers et par l’expérience des dysfonctionnements connus. Dans ce domaine, des algorithmes issus de la vision par ordinateur comme des systèmes OCR qui analysent chaque caractère du texte d’un document financier peuvent aider à détecter des documents falsifiés et ainsi lutter contre la fraude documentaire.

Parallèlement, la lutte contre la fraude sera plus performante avec une KYC renouvelée et des systèmes IA qui montreront, à terme, des capacités de détection supérieures. Sans aucun doute, le Big Data sait prévoir nos comportements. Il est vital de pouvoir l’utiliser pour débusquer efficacement les fraudeurs. On passera de la logique du KYC (Know Your Customer), directement inspirée de la culture du blindage, à celle du KYE (Know Your Enemy) venant de la culture du Data Mining. Le confort et la simplicité d’utilisation des services pour l’utilisateur moyen en seront transformés.

Concernant la gestion des risques dans le secteur financier, celle-ci s’avère complexe en raison de la nature composite de l’environnement de marché. Il est donc très difficile pour une personne de prendre une décision éclairée qui garantira la sécurité de l’entreprise à l’avenir. Cela a été facilité par l’utilisation d’outils capables d’analyser les données et d’aider à prendre une décision intelligente qui aidera à soutenir l’entreprise pendant les fluctuations du marché financier. En ce sens, le machine learning permet d’affiner la précision et la robustesse des systèmes de calcul de score d’octroie de crédit car il est capable de prendre en compte une quantité de données de toute nature (données exogènes) qui viennent enrichir les données purement financières sur lequel se basait déjà les systèmes de scoring actuel. Ainsi, la maîtrise du risque s’est fortement améliorée avec de meilleurs ciblages et scorings des clients qui sont un des atouts majeurs de l’IA, comme le contrôle optimisé du risque avec l’envoi d’alertes automatiques afin d’intervenir sur toute situation financière jugée critique. Cependant, ces approches peuvent être perçues comme des «boîtes noires» et l’enjeu de la mise au point d’algorithmes d’apprentissage machine capables d’expliciter leurs décisions est majeur.

Bien que la technologie offre de nombreux avantages aux industries et aux consommateurs, les progrès peuvent également les exposer à un risque plus élevé de comportements frauduleux et de piratage. Avec l’amélioration des technologies, les pirates sont de plus en plus équipés d’outils pour voler des identités et des informations de carte de crédit. Pour lutter contre cela, les systèmes de détection des comportements frauduleux se sont améliorés. La recherche et le développement ont fait progresser l’intelligence artificielle et la composante humaine de la détection des fraudes. Dans tous les cas le potentiel de ‘IA en matière de lutte contre la fraude réside dans sa capacité à identifier si les transactions sont normales ou suspectes.

On remarque que la sécurité est également un résultat clé de l’innovation en matière de technologie financière. La fraude est de plus en plus imperceptible et nuisible, c’est pourquoi il faut un bon système de protection. Une faille de sécurité peut avoir des conséquences terribles, comme la perte d’un grand nombre de clients. Les institutions doivent être à la pointe de leurs systèmes de sécurité pour garantir la santé financière et la confiance de leurs clients. L’enjeu est donc de libérer le potentiel des données pour accélérer l’innovation et mieux faire face aux risques (fraudes, cyberattaques) auxquels les acteurs bancaires sont confrontés, tout en assurant leur protection.

3.5 Axe 5: Simplifier les processus de mise en conformité et faciliter la gestion des risques

La crise financière de 2008 a généré une inflation sans précédent. Ainsi, le nombre de changements réglementaires imposés aux institutions financières a plus que triplé entre 2011 et 2016. Cette tendance n’est pas près de s’arrêter : après l’entrée en vigueur en 2018 des règlementations PRIIPs, MiFID2, RGPD, IDD, DSP2, se profilent déjà Fundamental Review of the Trading Book (FRTB), Anti-Money Laundering Directive 5 (AMLD5), Alternative Investment Fund Managers Directive (AIFMD2) ou encore Network and Information Security Directive (NISD). Les conséquences sont alors les suivantes : d’une part, les institutions financières se sont vu infliger de lourdes sanctions : le montant cumulé des pénalités réglementaires imposées aux banques européennes et nord-américaines depuis 2008 s’élève à 321 milliards de dollars. D’autre part, elles ont dû adapter leur organisation pour remédier aux dysfonctionnements pointés par les régulateurs.

Le constat actuel est que les dispositifs actuels de réglementation, de contrôle et d’agrément bancaires sont généralement antérieurs à l’apparition des innovations fondées sur les technologies. Dans certaines juridictions, le mandat des autorités prudentielles ne couvre pas les entreprises qui ne sont pas des banques, et certains services précédemment proposés par les banques sont désormais fournis par d’autres sociétés qui ne sont pas nécessairement réglementées par les autorités de contrôle bancaire

D’une manière générale, l’augmentation du nombre d’amendes et de sanctions de la part des différents régulateurs pour cause de non-conformité à tel ou tel texte illustre la volonté des gouvernants d’une meilleure surveillance et maîtrise des processus dans un contexte de complexification croissante des circuits/échanges d’informations. Par conséquent, l’industrie bancaire comporte de nombreuses barrières à l’entrée. Selon la typologie de Bain (1956), un entrant doit faire face à des barrières légales, structurelles et stratégiques. Les barrières légales comprennent l’ensemble des réglementations prudentielles et non prudentielles imposées par le législateur aux banques. Ces réglementations répondent à différents objectifs qui ne sont pas toujours compatibles. Les réglementations prudentielles (telles que l’assurance des dépôts, les exigences en capital minimum fixe et variable) visent à protéger le consommateur des risques spécifiques associés à l’activité bancaire. Elles impliquent nécessairement des restrictions de concurrence en augmentant les coûts d’entrée sur le marché. Les réglementations non prudentielles (telles que la protection des données personnelles, le taux sur les produits d’épargne réglementée) concernent la conduite de l’activité bancaire et peuvent aussi conduire à des hausses de prix pour les consommateurs.

Par ailleurs, les clients sont de plus en plus sensibles à l’utilisation qui peut être faite de leurs données, mais souhaitent aussi pouvoir bénéficier des possibilités offertes par les nouvelles technologies (capacités de stockage et d’analyse des données) pour obtenir par eux-mêmes des informations et recevoir de la part des établissements financiers des conseils pertinents et adaptés à leurs besoins.

De ce fait, les problématiques sont multiples :

  • La connaissance des clients à l’entrée en relation et son actualisation tout au long de la relation d’affaires

  • Le respect des dispositifs de sanctions internationales

  • La contribution à la lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme ou l’évasion fiscale

  • La prévention de la fraude, tant interne qu’externe

  • La surveillance du respect de l’intégrité des marchés

  • La délivrance du bon et juste conseil au bon moment

Pour répondre à ces problématiques, le pilotage du cycle de vie de la donnée est un enjeu crucial.

Le potentiel de l’IA appliqué aux besoins précis du KYC a permis un changement de paradigme par à un gain en efficacité opérationnelle (traitement des documents clients en quelques secondes) et qualité (plus d’erreur de saisie) ainsi que par l’amélioration des risques de conformités et le service client car les analystes peuvent se concentrer sur l’analyse des données clients pour détecter les situations à risque. En effet, la constitution de dossiers KYC constitue en effet un pilier majeur des dispositifs de Lutte Anti-Blanchiment et Financement du Terrorisme (LAB-FT), obligeant les institutions financières à investir massivement. Ainsi, à partir de moteurs d’analyse de données hétérogènes, des RegTech proposent, grâce au Maching Learning, des plateformes de collecte et d’investigation automatisées, d’une puissance décuplée par rapport aux capacités traditionnelles des institutions financières

Ensuite, de nombreuses RegTech se développent en appui de l’ensemble du processus conformité des institutions financières. En effet, les solutions d’analyse et traitement de données sont particulièrement précieuses pour fluidifier le processus de veille réglementaire, traditionnellement aussi sensible que fastidieux. La clé est le Natural Language Processing, une sous-domaine du Machine learning qui permet aux ordinateurs de comprendre, interpréter et manipuler le langage humain. Il apporte des solutions de rupture pour faciliter l’identification de nouvelles réglementations, leur interprétation et la mise en place d’alertes lorsque des opérations ou des documents les enfreignent. Il s’avère également particulièrement pertinent pour les institutions financières opérant dans de nombreuses juridictions. En aval du processus de conformité, des solutions de reporting tel que Power BI permettent d’automatiser la production documentaire, à l’instar des obligations d’information liées aux offres publiques d’achat. Les gains de temps et de productivité générés par ces solutions permettent aux institutions financières de concentrer davantage de ressources sur leur cœur de métier.

Toutefois, pour pouvoir tirer profit de l’apprentissage automatique, un des axes majeurs de la simplification de la mise conformité passe par une transformation digitale et le recours à des technologies Big data couplés à des outils de reporting car ils permettent d’obtenir une bonne maîtrise du cycle de vie de la donnée et de mieux les exploiter efficacement en transformant les données brutes en information actionnable. Toutefois, la fiabilité des résultats des outils IA et des reporting sera d’autant plus forte que la qualité des données sera élevée.

Une dernière remarque concerne le poids de la réglementation qui demeure très important dans la banque et l’assurance. Une réglementation interdit, par exemple, que certaines décisions soient prises par des systèmes totalement automatisés, exigeant donc l’intervention humaine d’un conseiller. En conséquence, il existe une certaine dichotomie entre les sujets internes à l’organisation où une assez grande liberté d’action est possible et les sujets externes en relation avec le client, où l’encadrement est plus contraint. Cela explique pourquoi, à l’heure actuelle, le principal verrou technique reste l’explicabilité (ou intelligibilité) de la décision proposée par le système lorsqu’elle impacte directement le client, ne serait-ce que pour des raisons de responsabilité juridique ou de mise en conformité réglementaire. En effet, les nouveaux algorithmes d’apprentissage profonds (réseaux de neurones) sont perçues comme des boîtes noires car le cheminement jusqu’au résultat de l’algorithme n’est pas connu.

Finalement, on s’aperçoit que pour prendre en charge les futures exigences réglementaires et de gestion, il sera essentiel de disposer d’un accès simple et rapide aux données ainsi que des contrôles requis pour gérer leur qualité.

3.6 Axe 6: Libérer le monde de la finance

Dans le domaine des services bancaires et financiers, la technologie blockchain peut simplifier les processus commerciaux tout en créant des enregistrements sûrs et fiables des accords et des transactions. Ces registres distribués (DLT) permettent de garantir une meilleure transparence, mais aussi une meilleure sécurité d’un réseau, plus compliqué à pirater qu’une base de données centralisée.

Dans “Blockchain Technologies : The Foreseeable Impact on Society and Industry”, Tomaso Aste, Paolo Tasca et Tiziana Di Matteo décrivent comment cette technologie, qui s’est fait connaître en servant de base au bitcoin comme la première monnaie numérique décentralisée à grande échelle -, a représenté un changement de paradigme essentiel. Grâce à l’utilisation de la validation communautaire pour soutenir la DLT, la technologie blockchain envisage de décentraliser le contrôle de la monnaie, faisant ainsi passer la confiance des utilisateurs des humains aux machines. Selon les auteurs, la technologie pourrait générer divers nouveaux services et objectifs commerciaux. En effet, bien que les crypto-monnaies aient attiré la technologie blockchain, celle-ci a un grand nombre d’autres utilisations possibles. Par exemple, les contrats intelligents (smart contracts) pourraient devenir le cadre de gestion des dossiers privés, y compris les testaments, les actes de cession et les dossiers médicaux ; les dossiers publics, y compris les titres fonciers, les immatriculations de véhicules, les passeports et les permis de construire.

La blockchain est avant toute chose une technologie, à savoir un registre international de transactions horodatées et classées, c’est à dire une grande base de données, distribuée sur un ensemble de machines que l’on appelle des « nœuds », qui est ultra sécurisée car totalement chiffrée, inviolable, immuable, toujours disponible et ouverte à tous en lecture et écriture. Le point clé dans cette technologie, c’est qu’il n’y aucun organe de contrôle, aucun tiers de confiance en charge de la faire fonctionner.

La blockchain Bitcoin a été créée en réaction à la crise financière de 2008 pour contrecarrer le déficit de confiance généré à l’époque dans les institutions financières et dans les tiers qui les représentaient. L’idée est simple, créer un nouveau modèle dans lequel les individus seront totalement indépendants des intermédiaires comme les banques et pourront gérer leur argent en toute autonomie, ainsi que les flux d’échanges de monnaies avec d’autres individus ou entreprises. C’est en quelque sorte une technologie capable donc “d’ubériser” les acteurs bancaires traditionnelles.

D’un point de vue plus technique, la structure de stockage et de certification des transactions de la blockchain, permet à la fois:

  • Une transparence car le registre est public, et disponible immédiatement à tous sans restriction

  • Un anonymat des acteurs : chaque acteur est identifié par un pseudonyme, en pratique une clé publique qui n’est autre qu’une longue suite de lettres et de chiffres

  • Une sécurisation des transactions : seul le détenteur de la clé privée associée à la clé publique, c’est-à-dire son propriétaire, peut initier une nouvelle transaction. Une fois inscrite dans la blockchain, les transactions sont définitives et irréversibles.

  • Une certification des transactions : chaque nouvelle transaction, chiffrée et signée grâce à la clé privée, est déployée publiquement dans un bloc. Avant que cette transaction soit effectivement validée, elle doit faire l’objet d’une vérification d’intégrité et validation par un certain nombre d’utilisateurs. Le processus de vérification utilise des techniques sophistiquées de chiffrement inviolables par construction (les fonctions de hachage)

  • Une inviolabilité des écritures déjà enregistrées: chaque bloc est également signé, prouvant que l’ensemble des transactions le contenant est valide.

  • Un système distribué: la chaîne n’est pas stockée dans un point unique, qui pourrait être un point critique en cas de sinistre (Single Point of Failure) mais reproduite dans un ensemble de pools. La disparition ou la corruption d’un pool n’entraîne que son invalidation. C’est ce caractère distribué et transparent qui confère, paradoxalement, à la blockchain de bictoin sa fiabilité et son inviolabilité.

La blockchain trouve son utilité dans les technologies algorithmiques qui la sous-tendent. Elle améliore la capacité des grands livres à enregistrer, réaliser et sécuriser un grand nombre de transactions, et pourrait être utilisée dans des secteurs aussi divers que les services financiers ou le recouvrement des impôts dans le secteur public. Par exemple, dans le future de la fonction finance, les directeurs financiers utiliseront les blockchains afin de :

Renforcer la sécurité informatique
Beaucoup jugent les blockchains inviolables et redoutablement efficaces contre la fraude et le piratage. Il est pourtant arrivé que des utilisateurs confient leurs clés privées à des opérateurs et que ces derniers voient leur sécurité compromise sans que celle de la blockchain ne le soit.

Maîtriser l’extension de sa chaîne de valeur
Au lieu de synchroniser les données internes de l’entreprise avec les informations fournies par les fournisseurs et partenaires, les directeurs financiers pourront bientôt créer leur propre système d’enregistrement à base de données extraites de plusieurs blockchains.

Rationaliser l’exécution des contrats
Avec la fonctionnalité du contrat intelligent, la livraison et le paiement d’une transaction peuvent être directement intégrés au contrat. Grâce aux blockchains, le grand livre devient programmable et fonctionne selon une logique précise. Le paiement au terme d’un service peut ainsi être réalisé au moyen d’une règle définie en commun.

En tant que moyen d’ordonner les transactions dans un registre distribué, la blockchain offre un enregistrement du consensus avec une piste d’audit chiffrée qui peut être maintenue et validée par plusieurs nœuds. Elle permet aux parties contractantes de suivre dynamiquement les actifs et les accords à l’aide d’un protocole commun, ce qui simplifie, voire supprime complètement, de nombreux processus de vérification internes et externes. La blockchain est donc une technologie sophistiquée qui réduit considérablement le risque d’erreur humaine, ce qui en fait l’un des mécanismes de transaction financière les plus sûrs et les plus sécurisés actuellement disponibles.

Toutefois, cette machine à « créer de la confiance » laisse entrevoir autant d’opportunités importantes dans les services financiers que de menaces qui peuvent faire craindre l’extinction des banques. En effet, le risque majeur de désintermédiation souvent mis en avant relève des applications de bases de données distribuées (type blockchain). Le risque théorique est réel car la banque tire sa légitimité de son rôle de tiers de confiance pour sécuriser des transactions. En pratique, c’est une technologie qui réduit les coûts. Charge aux banques donc de l’utiliser elle-même et de redistribuer cette baisse des coûts à leurs clients pour les fidéliser.

A ces risques de désintermédiation s’ajoutent des contraintes techniques inhérentes à la technologie qui concerne la limitation de la taille des blocs. En effet, un débat récent dans la communauté Bitcoin illustre ce problème. Actuellement, la taille des blocs est limitée par le protocole et se traduit par une limite d’environ sept transactions par seconde, capacité clairement insuffisante pour un réseau qui se voudrait global. La proposition d’augmenter la taille a soulevé des controverses et il est devenu manifeste que la communauté Bitcoin n’a pas encore de mécanisme pour les résoudre. Cela pose de sérieux problèmes de passage à l’échelle pour n’importe quel organisme bancaire qui souhaiterait exploiter la blockchain sur des projets d’envergure. Il serait difficile de tolérer ce genre de blocage pour une monnaie largement utilisée.

Un autre point de blocage existe concernant la mise en conformité de la technologie à la réglementation actuelle. Par exemple, l’identification des utilisateurs imposée par les règles de “compliance” pour la lutte antifraude et anti-terroriste, les fameuses règles d’AML (Anti Money Laundering) qui impliquent entre autres de disposer d’un KYC (Know Your Customer) pour chacun des clients de la banque. Une fois encore, en fonction du cas d’usage envisagé, cela peut devenir rapidement un frein. En effet les utilisateurs de la blockchain (quel qu’elle soit) en fonction de la réglementation locale, ont pu tout à fait créer un compte sans avoir eu à fournir ces informations de KYC. Par conséquent, l’adoption des cryptomonnaies à des fins de transaction est entravée par divers facteurs, dont la volatilité des cours, l’anonymat des transactions (soulevant des questions en termes de lutte contre le blanchiment de capitaux/financement du terrorisme) et l’absence d’extensibilité. A cela s’ajoute le fait qu’une fois enregistrée sur la blockchain, les données ne sont ni modifiables ni supprimables, et elles sont surtout visibles de la part de tous les utilisateurs de la blockchain, tout du moins ce qui n’a pas été chiffré avant le stockage. On peut donc oublier le droit à l’oubli ou le droit de rectification fixé par la CNIL ! Cela devient en revanche une force lorsqu’il s’agit de traçabilité et d’auditabilité.

Bien évidemment, il est encore trop tôt pour savoir si la blockchain va profondément modifier le paysage de la finance, mais il semble que l’idée d’une gestion décentralisée permettant des transactions de pair à pair, au moyen d’une chaîne à l’authenticité incontestable, comporte de grands attraits. Malgré l’énorme potentiel de la technologie blockchain pour faire progresser les protocoles de consensus et les contrats intelligents, des lacunes importantes subsistent entre sa mise en œuvre en tant que crypto-monnaie décentralisée à racines libertaires et respectueuse de la vie privée et une pile technologique qui satisfait pleinement aux exigences commerciales, sécuritaires et réglementaires. Ainsi, pour des raisons évidentes de maturité de la technologie, des compétences sur le marché, qu’elles soient techniques, méthodologiques ou métiers, et bien évidemment des usages à développer, la blockchain n’est pas pour demain. Pour autant, il y a fort à parier que celui qui sera le premier à même de créer un nouveau produit ou service concret pour ses clients basé sur la blockchain aura pris une avance certaine sur ses concurrents. Les usages commencent à être identifiés, les acteurs de l’écosystème se structurent et investissent pour monter en puissance. Pour autant, les résultats concrets et actionnables pour les clients sont encore loin d’être en production.

Pour conclure, on s’aperçoit que la blockchain a le pouvoir de libérer le monde de la finance en contestant de nombreux principes et normes établis, concernant le financement et la gestion de la chaîne d’approvisionnement mondiale. En réinventant le grand livre, un élément pivot du commerce, il le fait entrer dans l’ère numérique.

4. Les opportunités de la technologie

Sans aucun doute, les innovations de la technologie financière sont porteuses de bénéfices potentiels aussi bien pour l’ensemble des utilisateurs de services financiers que pour les acteurs financiers traditionnels.

Du côté du consommateur, ces bénéfices incluent un meilleur accès aux services financiers (inclusion financière), l’offre de services à des consommateurs jusqu’alors mal desservis, la réduction des coûts de transaction, l’amélioration de la transparence associée à des produits et à une communication claire des coûts, la prestation de services simplifiés et plus efficaces, et une meilleure maîtrise des dépenses et des budgets. Le résultat obtenu concerne donc l’expérience client qui est renforcée grâce à une meilleure compréhension des produits et des conditions. Du côté des acteurs financiers, les avantages offertes par la technologie sont multiples:

  • Réduction des coûts de gestions

  • Meilleure maîtrise des risques grâce

  • Meilleure adaptation au conformité réglementaires

  • Amélioration de l’efficacité opérationnelle

  • Meilleure résilience pour faire face au fraude, au cyber-attaque et la concurrence

  • Service financier responsable transparent et plus sécurisée (blockchain)

Parmi les opportunités méritant d’être prises en considération figurent :

L’inclusion financière
L’entrée de la finance dans l’ère numérique a amélioré l’accès aux services financiers de populations mal desservies. La technologie permet de pallier à l’éloignement géographique. Seuls six adultes sur dix détiennent un compte bancaire dans le monde, mais il existe plus d’appareils mobiles que d’individus. La promesse de la finance numérique en termes d’échelle de développement, de réduction des coûts et d’élargissement de l’accès aux services est sans précédent. Les services financiers pourraient être offerts à davantage d’individus, de manière plus rapide, plus responsable et plus efficace.

Amélioration et personnalisation accrue des services financiers
Les banques sont déjà régulées et savent comment fournir leurs produits à un marché régulé. Les entreprises de technologie financière pourraient aider le secteur bancaire à améliorer son offre classique de nombreuses manières. Par exemple, les banques pourraient proposer des services de robots-conseillers pour aider les consommateurs à se repérer dans le monde de l’investissement et à améliorer et personnaliser l’expérience client. Des partenariats avec les FinTechs pourraient aussi accroître l’efficacité des acteurs historiques.

Baisse des coûts de transaction et accélération des services bancaires
Les innovations issues des FinTechs pourraient accélérer les transferts et les paiements, et réduire leurs coûts. Par exemple, dans le domaine des virements transfrontières, les FinTechs peuvent, dans certains cas, offrir des services bancaires plus rapides et à moindre coût.

Amélioration et renforcement de l’efficacité des processus bancaires
L’innovation pourrait permettre la réalisation d’activités dans un environnement plus sûr grâce à l’utilisation de technologies cryptographiques ou biométriques et à des systèmes interopérables réduisant les risques d’échec.

Impact positif potentiel sur la stabilité financière en raison d’une concurrence accrue
L’arrivée de nouveaux acteurs concurrençant les banques établies pourrait finir par fragmenter le marché des services bancaires et réduire le risque systémique associé aux acteurs de taille systémique.

Regtech
La technologie financière pourrait être utilisée pour améliorer les processus de conformité des établissements financiers. La régulation s’accroît à l’échelle mondiale mais le développement et la mise en application efficaces de la « regtech » pourraient être l’occasion, par exemple, d’automatiser les déclarations réglementaires et les exigences de conformité, ainsi que de faciliter une coopération intersectorielle et interjuridictionnelle accrue, pour une meilleure conformité (par exemple, dans la lutte contre le blanchiment de capitaux/le financement du terrorisme).

5. Les risques de la technologie

Si l’expérience utilisateur ressort renforcée grâce grâce aux innovations technologiques, il est très probable que dans certains cas d’usage, les risques liés à la technologie puissent pénaliser le consommateur. En effet, il est possible par exemple qu’un certain nombre de consommateurs ne sachent pas comment supprimer leurs identifiants et autres informations détenues par des plateformes financières. Cela signifie que même si les risques liés à la technologie financière varient sensiblement selon les scénarios, les opportunités identifiées dépendent moins des scénarios eux-mêmes que des technologies qui en découlent.

La technologie financière présente une large variété de risques qui concernent des secteurs divers et associent souvent des éléments de risque opérationnels et stratégiques. Un certain nombre de ces risques figurent à des degrés divers dans les scénarios suivants :

Risque stratégique
Le potentiel de dégroupage rapide des services bancaires au profit de FinTechs non bancaires proposant des services plus innovants et surtout plus adaptés aux exigences des clients pourrait accroître les risques pesant sur la rentabilité des banques. Dans l’environnement actuel, une dégradation de la rentabilité due à un manque d’anticipation et d’agilité, ainsi que la perte de relations clients directes rentables et/ou la diminution des marges, pourraient entraver la capacité des acteurs historiques à traverser les futurs cycles économiques. De ce fait, les banques seraient alors contraintes de compenser la baisse de leurs bénéfices en se lançant dans des activités plus risquées comme l’octroi de crédit.

Risques opérationnels

  • Dimension systémique : L’essor de la technologie financière renforce les interdépendances informatiques entre les acteurs du marché (banques, FinTechs et autres) et les infrastructures de marché. Dans ce contexte, un problème informatique pourrait se transformer en crise systémique, notamment si un ou quelques acteurs dominants fournissent l’ensemble des services. L’arrivée d’entreprises de technologie financière dans le secteur bancaire accroît la complexité du système et introduit de nouveaux acteurs qui pourraient n'avoir qu’une expérience et une connaissance limitées de la gestion des risques informatiques.

  • Dimension idiosyncrasique : Une prolifération de produits et services innovants pourrait augmenter la complexité de la prestation de services financiers, rendant plus difficiles la gestion et le contrôle du risque opérationnel. En effet, il s’avère que de plus en plus de banques font appel à de plus nombreuses tierces parties, soit par la sous-traitance notamment pour les services de cloud, soit au travers de partenariats avec des FinTechs, augmentant ainsi la complexité et réduisant la transparence des opérations de bout en bout. Ce type de fonctionnement pourrait accroître les risques autour de la sécurité et de la confidentialité des données, du blanchiment de capitaux, de la cybercriminalité et de la protection des consommateurs, notamment si les banques sont moins efficaces dans la mise en œuvre des normes et contrôles requis pour la gestion de ces risques, ou si les FinTechs ne font pas l’objet de normes de sécurité aussi strictes. Par exemple, pour répondre aux exigences de mise en conformité réglementaire dans le domaine AML/CFT, les banques auront besoin de processus de suivi AML/CFT si elles traitent des transactions pour le compte de clients de FinTechs. De manière générale, l'augmentation de l’automatisation et de la distribution de produits ou services entre les banques et les FinTechs peut avoir pour conséquence de réduire la transparence en ce qui concerne les modalités de transaction et les responsabilités en matière de conformité.

  • Dimension cyber : Les nouvelles technologies et nouveaux modèles stratégiques peuvent accroître le risque cyber si les audits de sécurité des systèmes d’information ne suivent pas le rythme du changement. L’interdépendance accrue des acteurs du marché peut être bénéfique aux banques et à leurs clients tout en amplifiant les risques de sécurité. Un recours plus fréquent aux interfaces de programmation, au cloud et à d'autres nouvelles technologies renforçant l’interdépendance avec des acteurs ou secteurs ne faisant pas l’objet des mêmes attentes réglementaires pourrait rendre le système bancaire plus vulnérable aux cybermenaces et potentiellement compromettre de larges volumes d’informations sensibles.

6. Les leviers de la technologie secteur par secteur

6.1 Banque en ligne (néo-banque)

Les néo-banques souhaitent s’imposer dans le secteur bancaire en réinventant le modèle de relation client, fondé sur le numérique, s’écartant ainsi du modèle axé sur l’accueil des clients en agence proposé par les banques traditionnelles. Elles n’ont pas la contrainte d’infrastructures existantes et pourraient être en mesure d’exploiter les nouvelles technologies à un moindre coût, plus rapidement et sous un format plus moderne.

Les néo-banques ciblent les particuliers, les chefs d’entreprise et les petites et moyennes entreprises. Elles offrent une gamme de services allant des comptes courants aux découverts, auxquels peuvent s’ajouter des comptes de dépôt et comptes d’entreprise, cartes de crédit, conseils financiers et prêts.

Elles fondent leur modèle de rentabilité sur les frais, les revenus d’intérêts ainsi que la baisse des coûts d’exploitation et une approche différente de la commercialisation des produits grâce à une meilleure connaissance de leur client rendus possible en s’appuyant sur le big data et l’analyse de données.

En bref, les néobanques s’appuient largement sur les technologies pour leurs services de banque de détail, qu’elles proposent essentiellement au travers d’applications mobiles et de plateformes en ligne. Elles peuvent ainsi fournir des services bancaires à moindre coût. Pour ce faire, elles exploitent des infrastructures modulables au travers de prestataires de services cloud pour assurer de meilleures interactions sur les plateformes en ligne et mobiles et les réseaux sociaux.

6.2 BancAssurance

Les assureurs seront chargés de l’identification des risques par le concept d’exposome, à savoir l’intégration de l’ensemble des expositions pour la vie entière. Il convient de se référer à la multiplicité des facteurs environnementaux (air, eau, sol, expositions professionnelles, alimentation, comportements individuels) susceptibles d’avoir un lien causal avec le développement de certaines pathologies. Ainsi, la science des données, par sa capacité à analyser des données protéiformes peut offrir de nouvelles opportunités aux assureurs.

Le big data permet une tarification plus fine ainsi qu’un meilleur ajustement des garanties, l’évitement des doubles garanties, mais aussi une meilleure estimation des risques (par exemple, dans le domaine de la bancassurance, avec la corrélation du retrait carte bleue le samedi soir et du risque automobile pour un jeune conducteur). Le traitement des données de masse permet de minorer la sélection adverse (le risque est mieux connu) et les fraudes. Si l’on dispose de données fines, on peut améliorer le zoning (par exemple, le risque incendie en fonction de la vétusté du secteur) ou re-tarifer (par des objets connectés embarqués).

Sans aucun doute, le secteur de l’assurance fait face à de nouveaux besoins et attentes de la part des clients qui souhaitent une offre et une interaction toujours plus personnalisées. Cela implique une refonte des produits, compatible avec ces nouvelles technologies. Aussi, cela nécessite la manipulation de données pour identifier les caractéristiques de ces assurés particuliers ; non seulement pour anticiper les dérives et améliorer le suivi de la sinistralité, mais surtout pour développer des actions de prévention adaptées. La science des données recouvre la capacité à traiter un spectre de données plus large que celui habituellement couvert par les actuaires. En ce sens, elle peut offrir de nouvelles opportunités aux assureurs. Par exemple, dans le domaine de la santé, les modèles de Machine Learning, grâce à une étude plus poussée des données disponibles et à l’intégration de données externes, peuvent affiner l’analyse de la consommation médicale et identifier les écarts potentiels dans des groupes d’assurés présentant des caractéristiques communes.

Les bancassurances en combinant un rôle bancaire et assurantiel seront doublement gagnantes car ces dernières peuvent suivre les flux financiers sur un compte et donc proposer des placements au bon moment, mais aussi ces derniers pourront utiliser les données bancaires pour affiner leur estimation des risques du client.

6.3 Apport de fonds

Le poids croissant des nouvelles technologies dans les paiements favorise également l’entrée dans le métier du traitement des flux d’acteurs non bancaires, qui auraient capté un peu moins de 10 % du volume des transactions dans le monde. Ces acteurs qui se positionnent entre les clients et les banques cherchent à élargir leur rôle actuel sur la chaîne de valeurs, à partir de leur expertise technique ou technologique.

Au-delà du produit d’épargne, l’apport de fonds à travers la FinTech se concentre sur le financement participatif : le crowdfunding. Il se subdivise essentiellement en 5 axes : le don simple, le don avec contrepartie matérielle, la participation aux fonds propres de la société (crowd equity), la participation à un prêt aux PME/TPE (crowdlending), et le prêt de particulier à particulier (« P2P Lending »). Les PME peuvent diversifier leurs sources de financement. Le risque de contrepartie lié à l’activité est pris en compte par d’autres FinTechs qui travaillent par exemple sur des statistiques comportementales sur l’utilisation du smartphone pour connaître le risque de l’emprunteur.

Par exemple, des expériences clients sont également re-fondées par les nouveaux modèles d’intermédiation digitale comme les places de marché, les pots communs en ligne, le financement participatif et la consommation collaborative. De nombreuses plates-formes adoptent des positionnements innovants avec des solutions d’encaissement pour compte de tiers pour devenir intermédiaires d’un secteur ou d’un cas d’usage donné. Ces innovations ouvrent un nouveau monde, celui des paiements et prêts entre particuliers.

6.4 La gestion patrimoniale

Diverses applications mobiles et plateformes permettent de gérer ses activités bancaires. Outre la gestion de ses comptes, il est possible de comparer et choisir ses investissements, de recourir à des courtiers virtuels ou des comparateurs pour optimiser ses dépenses, voire de partager l’information sur ses propres investissements dans une optique collaborative. Il peut s’agir de produits d’assurance sous toutes ses formes, d’épargne, d’investissements boursiers ou de financements à optique collaborative ou non. La dématérialisation de la documentation, la diminution des coûts de gestion, facilités par un assouplissement des réglementations permettant l’ouverture à de nouveaux acteurs, l’optimisation de la gestion du risque (grâce au Big Data notamment), les nouveaux canaux d’acquisitions, l’amélioration de la relation client permettent l’émergence de nombreux acteurs et de nombreuses offres, plus ou moins innovantes.

6.5 Le transfert de fonds

Le paiement électronique concerne le e-commerce d’abord, y compris en devises au niveau international. Il concerne aussi le transfert d’argent entre particuliers, dans un échange commercial ou de soutien familial. Des plateformes innovantes, du type échanges de devises entre particuliers peuvent venir se greffer sur ce système. Les échanges peuvent être totalement virtuels ou avoir une traduction matérielle pour partie. Les transferts monétaires se réalisent via le réseau mobile ou internet. Ils utilisent des plateformes diverses, souvent multicanal : le mobile, le smartphone, la tablette, le PC…

En termes d’opportunités pour les entrepreneurs et pour la vie économique, les systèmes de transferts de fonds basés sur le numérique sont déjà une réalité qui favorise le développement du tissu économique actuel : les personnes sans carte ou sans compte bancaire peuvent désormais acheter chez les commerçants. Cela ne peut que favoriser le commerce local et la croissance par les échanges.

6.6 Services non-bancarisés/sous-bancarisés

Les services non bancarisés/sous-bancarisés cherchent à servir les personnes défavorisées ou à faible revenu qui sont ignorées ou mal desservies par les banques traditionnelles ou les sociétés de services financiers classiques. Ces applications favorisent l’inclusion financière. La faible bancarisation et le cadre juridique fragmenté sont utilisés comme levier de croissance par les FinTechs intéressées par le marché. L’Afrique est le seul continent à avoir adopté directement le téléphone mobile dans les services financiers sans passer par des institutions bancaires traditionnelles, ni par le développement à grande échelle de la téléphonie fixe. Les FinTech et leurs alliés Telcos proposent maintenant dans les pays du Sud les mêmes services que le modèle bancaire traditionnel à un moindre coût, en moins de temps, et à moindre contrainte. Elles proposent en plus une offre exclusivement liée aux besoins du pays du Sud.

7. Le top des technologies émergentes dans la finance

L’IA des technologies cognitives

L’IA des technologies cognitives couvre de nombreux aspects du secteur des services financiers et trouve probablement ses meilleurs cas d’utilisation dans l’industrie. Grâce à ses capacités informatiques et cognitives élevées, l’IA aide les entreprises financières à gérer les risques, à détecter les fraudes et à identifier les modèles de données qui leur permettent de prendre des décisions avec une intervention humaine minimale. En plus de cela, il aide également les consommateurs à personnaliser les produits et services financiers, à effectuer des analyses budgétaires, à obtenir des conseils d’épargne et à tirer le meilleur parti des expériences de paiement numérique et de banque mobile.

Chatbots conversationnels

Les chatbots existent depuis des décennies mais ont perdu leur charme il y a quelques années en raison de leur incapacité à offrir des expériences de type humain. Cependant, avec les progrès de la technologie, les chatbots alimentés par l’IA ont de nouveau gagné en popularité. Gartner prévoit que les chatbots soutenus par l’IA géreront environ 85 % du total des interactions entreprise-client d’ici la fin de 2020. Les fournisseurs de services financiers peuvent utiliser des solutions d’IA conversationnelles pour offrir des expériences humanisées aux clients. Les chatbots alimentés par l’IA apprennent et se développent à partir de la base de données existante et des interactions en cours pour fournir des réponses sur mesure aux requêtes des clients, fournir des suggestions pertinentes et aller au-delà des attentes.

Blockchain

La Blockchain va sans aucun doute être la colonne vertébrale de l’économie du partage. C’est l’une des technologies les plus importantes qui inculquent la sécurité et la responsabilité dans le paysage de la fourniture de produits et de services. La technologie examine les transactions de manière rentable, décentralisée et vérifiée. Il réduit la dépendance et favorise une bonne tenue de livrables comptables. La blockchain est l’une des tendances technologiques des services financiers qui sous-tendra les deux piliers les plus importants de l’industrie, à savoir la transparence et la confiance.

L’analyse de données

L’analyse de données jouent un rôle élémentaire dans le secteur des services bancaires et financiers et, lorsqu’elles sont associées à des technologies telles que l’analyse de données, elles sont sûres d’offrir une valeur commerciale. L’analyse de données permet aux entreprises de traiter avec succès des données à l’échelle de l’entreprise et d’obtenir des informations commerciales exploitables qui aident à la prise de décision, au développement de produits, à la gestion des risques, à la détection des fraudes, etc. La technologie aide également les entreprises financières à revoir les performances passées, à optimiser les tâches, les processus et les fonctions en cours, ainsi qu’à avoir un aperçu de l’avenir. Dans les années à venir, de plus en plus d’institutions financières devraient tirer parti de l’analyse des données pour capturer, contrôler et réguler les données afin de créer une entreprise efficace et plus intelligente dans un environnement incertain et d’ouvrir un nouveau monde d’opportunités.

Automatisation

Lorsque nous parlons d’automatisation, l’efficacité, la vitesse et la précision viennent à l’esprit. Si l’on en croit les rapports de recherche, des technologies telles que l’automatisation robotique des processus (RPA) peuvent aider les entreprises financières à réduire leurs coûts jusqu’à 25 à 30 % environ. La technologie aide les fournisseurs de services financiers à automatiser les tâches répétitives et gourmandes en données. Il permet de suivre une approche logicielle pour améliorer la précision des processus et l’exécution des tâches. La RPA sera principalement utilisée pour réduire la dépendance manuelle et la latence et pour augmenter la productivité dans les secteurs verticaux de la finance.

Cloud Computing

Les fournisseurs de services financiers ont atteint un âge où les services bancaires mobiles envahissent la demande, les transactions d’assurance sont effectuées en ligne et les clients de plus en plus à l’aise avec la technologie sont friands des portefeuilles numériques. La technologie de cloud computing aide les entreprises financières à réaliser tout cela de manière transparente. L’économie du partage soutenue par le numérique ne dort jamais et les clients, équipés d’appareils intelligents, veulent communiquer et effectuer des transactions 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Le Cloud permet d’assurer une très haute disponibilité des services financiers grâce aux architectures big data distribuées et résilientes aux pannes. Étant donné que le cloud computing prend en charge la mobilité au sens propre et aide à suivre le rythme des clients nés dans le numérique, les entreprises financières attendent beaucoup de la technologie. Il stocke et permet un accès instantané aux données et fournit une disponibilité à la demande des ressources informatiques sans gestion directe par un utilisateur.

Cybersécurité

L’ère numérique a ses propres défis. Les entreprises financières traitent les données personnelles et financières des clients, ce qui est sensible. Malheureusement, ce sont les données qui constituent l’actif le plus vulnérable dans un écosystème connecté et de plus en ouvert (Open Banking). Les fournisseurs de services financiers investissent dans un cadre de délégation d’accès tel que OAuth2.0 (Open-standard Authorization), qui les protège contre les attaques de tiers et les aide à créer des API (Application Programming Interfaces) robustes. Ces technologies et cadres assurent non seulement la sécurité des données, mais aident également les entreprises à se conformer aux normes de réglementation financière.

8. Conclusion

Le secteur financier n’est qu’un des nombreux secteurs qui connaissent une croissance des innovations. À mesure que les FinTech deviennent un terme plus courant, elles continueront à changer le secteur tel que nous le connaissons. Bien que personne ne puisse prédire l’avenir, la technologie continuera d’avoir un impact sur notre vie financière. En effet, à mesure que la technologie continue de s’améliorer et de se développer, le secteur financier continuera également de s’améliorer et de se développer. Ce dernier a bénéficié de nombreux grands avantages qui ont été fournis par la technologie et la transformation digitale reste un enjeu majeur pour optimiser l’expérience client, transformer le business model, automatiser les processus métiers et prendre des décisions financières éclairées dans un environnement plus que jamais complexe et incertain.

Par ailleurs, en cette période charnière pour le secteur bancaire, les défis tels que les changements des préférences et les typologies des clients, la concurrence accrue, les contraintes réglementaires strictes et les évolutions technologiques toujours plus rapides sont légion. La bataille des normes technologiques et des conditions réglementaires sera capitale pour l’évolution dans un sens positif : les autorités y ont un rôle important. Compte tenu du rôle grandissant de la technologie dans les activités, l’approche traditionnelle traitant la technologie comme un aspect séparé du métier dans la transformation des activités est en passe de devenir obsolète. Les grands acteurs du secteur financier l’ont bien compris et accélèrent leur virage numérique.

La démocratisation d’Internet, du mobile et des technologies digitales a permis l’émergence de nouveaux acteurs innovants susceptibles de compléter et concurrencer l’offre des acteurs traditionnels de services financiers. Par exemple, les plateformes de consommation collaborative propulsées par les FinTechs, réunissant vendeurs non professionnels de biens et services et consommateurs, se multiplient dans le paysage économique sous l’effet de la généralisation des outils de l’internet et d’une tendance de fond privilégiant l’échange direct. Le secteur bancaire n’échappe pas à la règle et différents usages collaboratifs, “désintermédiant” le financement de particuliers ou de professionnels, commencent notamment à voir le jour (KissKiss Bank Bank, Younited Credit, Unilend, Credit.fr,…).

L’essor des innovations de technologie financière a donné lieu à ce que certains appellent la bataille pour la relation client et les données client. L’issue de cette lutte déterminera le rôle des banques à l’avenir. L’autre considération clé renvoie à l’évolution potentielle des modèles stratégiques des banques et aux différents rôles que les acteurs historiques et d’autres fintechs, y compris les grands groupes technologiques « big tech », pourraient jouer, soit en contrôlant la relation client, soit, en tant que prestataire de services, en soutenant la réalisation des activités bancaires.

Sans aucun doute, nous assistons à un changement de paradigme, impliquant une réingénierie des processus totale et permanente. Le big data et la révolution digitale ne sont pas un simple ajout à la mode, mais une refonte de l’approche des risques (donc du client), de leur appréciation (comité des risques), de leur gestion (en digital et en temps réel) et de leur provisionnement.

Dans le secteur financier, l’introduction des technologies blockchain vise l’excellence opérationnelle, en permettant de gagner en efficacité, en vitesse et en rationalisant les coûts sur les activités existantes. Elle constitue également un outil d’ouverture à de nouveaux écosystèmes en poussant à la création de services innovants, dans la banque de détail notamment. En effet, les prochaines profondes transformations internes sont à mettre en regard du bouleversement des marchés de la finance et de son business model que représente l’émergence de la blockchain. Cette nouvelle technologie, accompagnée par les crypto-actifs et les smarts contracts, qui permet de transférer des actifs entre individus en toute sécurité, sans intermédiaire ni tiers de confiance, constitue pour la banque une véritable disruption. Le marché des mouvements financiers internationaux s’en verra totalement modifié, de même que surgiront de nouveaux modèles d’affaires et de nouveaux acteurs, sans parler du gisement que représentent les 1,7 milliard de personnes encore non bancarisées dans le monde…

Toutefois, les technologies peuvent être un couteau à double tranchants. Elles sont utiles pour outiller l’analyse et la réflexion, mais elles ne remplacent pas le jugement humain. Ainsi, la technologie dans le monde de la finance joue donc pleinement son rôle de catalyseur de la transformation, mais elle ne doit pas, à elle seule, constituer l’unique motivation et elle ne peut pas constituer, à elle seule, la réponse. Le financier de demain devra donc transcender les silos au sein de son organisation en proposant une approche plus holistique et transversale des sujets afin d’apporter la valeur ajoutée attendue aux parties prenantes. Non seulement le digital change les manières de faire, mais il impose aussi de réfléchir aux nouveaux styles/codes de management des institutions financières. La réussite de cette « mutation génétique » est aussi liée à la capacité des dirigeants d’anticiper l’accompagnement humain indispensable.

En conclusion, l’avenir de la finance se fera autour d’une symbiose totale entre l’homme et la machine. La finance de demain devra équilibrer travail robotisé et humain afin de trouver le meilleur des deux mondes. Cela passera inévitablement par une phase d’acculturation pour faciliter l’adoption de la technologie par l’humain. Il faut d’un côté laisser les systèmes autonomes faire les tâches fastidieuses, répétitives et aliénantes et donner à l’humain les moyens d’exprimer pleinement son potentiel d’analyse.

9. Bibliographie

[1] Julia KUGAN, Financial Technology (Fintech): Its Uses and Impact on Our Lives, 2022.

[2] Darrell Duffie et al, The impact of technology on finance: A new eBook, 2022.

[3] Philip Treleaven et al, Blockchain Technology in Finance, 2017

[4] EY Consulting, L’avenir de la fonction Finance réside-il dans les nouvelles technologies ou dans les nouveaux talents ?, 2019

[5] Olivier Klein, Banque et nouvelles technologies : la nouvelle donne, 2021

[6] Françoise Mercadal-Delasalles, Histoire d’une transition numérique : Société Générale, 2019

[7] André Cichowlas, Technologie et transformation des services bancaires : l’exemple de TechnoVision de Capgemini, 2019

[5] Bertrand Lavayssière, \textit{Les modèles économiques bouleversés par le digital}, 2020

[6] Marianne Verdier, Innovation, concurrence et réglementation pour la fourniture de services bancaires en ligne, 2021

[7] Jean-Marc Boyer, La tarification et le big data : quelles opportunités ?, 2018

[8] François R. Velde, Bitcoin pour remplacer les devises ?, 2019

[9] Pierre Simon, Nouvelles technologies et services financiers, 2021

[10] Fabrice Lamirault, L’évolution du modele bancaire à l’ère du digital, 2017

[11] Thomas Gerbaud, Emilien Dutang, Flavien Charlon*, La Blockchain, un nouveau levier du Financement Participatif ?, 2016

[12] Comité Finance Innovation, Banque & Fintech: enjeux d’innovation dans la banque de détail, 2016

[13] Saïd Bourjij, Innovations technologiques et offre de services financiers en appui au Développement, 2016

[14] Comite de Bâle, Implications des évolutions de la technologie financière pour les banques et les autorités de contrôle bancaire, 2018

[15] Comité Finance Innovation, _Intelligence artificielle, blockchain et technologies quantiques au service de la finance de demain_, 2021

[16] Octo Technology, Les FinTech cannibalisent la banque !, 2021

[17] Comité Finance Innovation, Digitalisation des paiements: mobilité, monnaies numériques et paiement durable, 2022

[18] Comité Finance Innovation, Fintech Horizon France, 2021

[19] EY assets, Is the future of finance new technology or new people, 2018


  1. Enquête menée auprès de 769 directeurs financiers et leaders de la finance dans 32 pays et avoir mené des entretiens approfondis avec 22 directeurs financiers ↩︎

Hugo Michel
Front Quant/Data Scientist in Financial Markets

My research interests include Machine Learning, Quantitative Finance and NLP